La Société Nationale des Chemins de Fer Belges célèbre en 2001 sa 75e année d'existence. L'heure du bilan semble tout indiquée, pour retracer l'histoire - riche et passionnante - de l'entreprise ferroviaire nationale mais également pour se tourner vers les développements futurs, qui déboulent vers nous à toute vitesse. Il va de soi que la rétrospective historique ne se limitera pas aux trois quarts de siècle écoulés ; la création de la SNCB, en 1926, n'était elle-même qu'une étape intervenant après 90 ans d'activités ferroviaires. Le point de la situation est d'autant plus pertinent que les développements ferroviaires du XXe siècle - et a fortiori la situation et les problèmes actuels - ne peuvent être compris que s'ils sont inscrits dans une perspective plus longue. Replonger vers les premiers projets concrets de construction ferroviaire dans notre pays s'avère donc indispensable. Ce faisant, nous nous replaçons en 1825-1826, c'est-à-dire 175 ans plus tôt et un siècle avant la création de la SNCB, lorsque des industriels anglais demandent à pouvoir établir une voie ferrée en Entre-Sambre-et-Meuse afin d'en faciliter l'exploitation des richesses naturelles. Mais les mentalités n'étaient pas encore mûres pour les importantes mutations technologiques et sociales qu'allait entraîner l'arrivée des chemins de fer dans notre pays. C'était par contre le cas dix ans plus tard ; c'est ainsi que la première liaison ferrée régulière, entre Bruxelles et Malines, a pu être inaugurée dans l'euphorie le 5 mai 1835.

Cet ouvrage a pour objectif de proposer à un large public - constitué de voyageurs occasionnels ou réguliers du rail, d'amateurs avertis et de spécialistes de l'histoire et de la technique ferroviaires - un aperçu des principaux aspects et développements des chemins de fer en Belgique au cours de leurs 175 ans. Cette vaste rétrospective confirme que plusieurs controverses actuelles animaient déjà les débats du temps de nos aïeuls. Songeons par exemple au rôle du secteur privé dans le transport par rail, à la liaison du réseau ferré belge avec le reste de l'Europe (TGV) et au Rhin d'Acier reliant Anvers à l'Allemagne.

Le volume que vous tenez en mains est le fruit d'un projet ayant, lui aussi, mûri au fil des ans. Alors qu'ils travaillaient à l'université, deux des membres de la rédaction finale ont constaté les lacunes de l'historiographie ferroviaire. Malgré le nombre considérable de publications consacrées à l'histoire des chemins de fer, le plus récent ouvrage tentant d'en donner un exposé complet datait des années septante. Les développements des vingt-cinq dernières années et les résultats de nombreuses recherches récentes ayant replacé le rail dans un large contexte économique et social n'étaient donc pas mis à la disposition du grand public. L'idée a germé et donné naissance à cet ouvrage. La SNCB s'est intéressée au projet et en a soutenu la réalisation concrète. Les Presses Universitaires de Louvain (Universitaire Pers Leuven) ont pris le parti de se charger de l'édition. Pour les textes et les illustrations, les concepteurs ont pu faire appel à la collaboration - enthousiaste - de spécialistes belges et étrangers, chacun abordant une facette particulière de l'entreprise ferroviaire belge.

Le développement des chemins de fer dans notre pays ne peut être scindé des évolutions sociales et économiques des deux derniers siècles. Les chemins de fer ayant à ce point influencé le développement économique, l'aménagement géographique et les habitudes quotidiennes en matière de résidence, de travail et de vie, qu'il est pour ainsi dire impossible de s'imaginer comment serait aujourd'hui le monde sans eux. A peine quelques décennies après ses débuts, au XIXe siècle, le chemin de fer était déjà devenu l'un des secteurs d'activité les plus importants, occupant près d'une centaine de milliers de personnes à la veille de la Première Guerre mondiale. Par rapport à la croissance débridée qu'il connut au XIXe siècle, le siècle suivant fut plutôt celui de la consolidation, le rail étant contraint de s'adapter aux mutations fondamentales du transport routier par l'arrivée et la démocratisation de la voiture automobile.

Le nouvel élan généré par le réseau européen à grande vitesse et les limites atteintes par la croissance du trafic automobile ouvrent aujourd'hui de nouvelles perspectives pour le transport ferroviaire au XXIe siècle.

Il est naturellement impossible d'aborder toutes les facettes de l'entreprise ferroviaire et de son impact sur la société en une seule publication. Celle que vous avez devant vous n'a donc pas la prétention d'être complète, mais se veut plutôt un exposé des divers aspects qui n'avaient pas encore été proposés au grand public jusqu'à ce jour. C'est de manière délibérée qu'ils ont été regroupés en cinq grandes parties.

La première, esquisse le cadre général des chemins de fer belges. Un premier chapitre analyse dans quelle mesure le rail, replacé dans une perspective à long terme, a influencé l'évolution économique de l'Europe. Vient ensuite une contribution retraçant le développement des chemins de fer européens depuis les années 1820 et remplacent ce faisant la situation belge dans une perspective internationale. Cette partie est clôturée par une analyse de l'évolution du transport par rail au cours des deux derniers siècles.

La deuxième partie se concentre sur le XIXe siècle (1825-1913), période durant laquelle le rail connut une croissance phénoménale et la Belgique évolua en nation ferroviaire. Il est d'abord question du processus de décision ayant abouti à la création des premières lignes, puis de la formation du réseau, avec les principaux résultats économiques enregistrés par les chemins de fer au cours du XIXe siècle. Un chapitre aborde également le cas des compagnies privées en Belgique et analyse l'apport de ce secteur privé face aux pouvoirs publics, qui conservèrent une importante fonction régulatrice. Il est également question des investisseurs disposés à engager leurs capitaux dans ces sociétés privées.

Le XXe siècle est décrit dans la partie III. Une facette relativement méconnue de l'histoire des chemins de fer belges concerne leur métamorphose durant la Première Guerre mondiale. Un chapitre tente donc d'examiner comment l'armée belge, active sur le front de l'Yser, a tiré parti des chemins de fer et comment l'envahisseur allemand a exploité le réseau en territoire occupé. Les importantes mesures structurelles qui s'imposèrent après la guerre débouchèrent, en 1926, sur la création d'une entreprise publique disposant
d'une certaine autonomie, la SNCB. Le chapitre consacré à l'entre-deux-guerres étudie cette étape importante, sans négliger pour autant le contexte au sein duquel devait œuvrer la Société Nationale de Chemins de Fer Belges. Au cours de la Seconde Guerre mondiale, le rail, réquisitionné par les Nazis, fut une cible privilégiée d'actes de sabotage commis par la Résistance. Pour la première fois, une contribution donne une image précise des chemins de fer belges durant cette période. Le dernier chapitre de cette troisième partie se penche sur la situation depuis l'après-guerre, durant laquelle la SNCB fut confrontée à d'importants défis et aux transformations structurelles du monde des transports, tant en Belgique que sur le Vieux Continent.

La quatrième partie analyse l'entreprise ferroviaire belge sous des aspects très variés. Les deux premières contributions concernent deux singularités dans l'organisation de la SNCB, à savoir l'organisation du travail et les structures sociales élaborées au sein de la Société.

Plusieurs aspects économiques y sont ensuite examinés, plus particulièrement l'impact du rail sur le développement économique belge depuis les années 1830, l'introduction des trains ouvriers et les investissements consentis dans le secteur ferroviaire. Le développement du matériel roulant fait l'objet d'un chapitre distinct, présentant un aperçu des principaux types de locomotives, voitures voyageurs et wagons marchandises, ainsi que les évolutions techniques majeures. La sécurité sur le rail est examinée en fonction de l'histoire de la signalisation.

Un dernier chapitre clôture cette partie en présentant une facette relativement méconnue de l'histoire ferroviaire belge, en l'occurrence l'architecture des gares.

Cet ouvrage ne se termine pas en l'an 2000 : sur base des évolutions les plus récentes et des projets gouvernementaux élaborés tant au niveau national qu'européen, la dernière partie esquisse une image du rôle que devraient jouer les chemins de fer belges au XXIe siècle.

Pas moins de 33 auteurs ont collaboré à cette publication. Ils ont exploité de nouvelles sources et travaillé sous plusieurs angles.

C'est pourquoi cet ouvrage présente un nouveau panorama au lecteur, qu'il soit novice, amateur ou érudit dans le domaine ferroviaire.
Naturellement, tout n'est pas encore dit. Les petites contributions sous forme d'encadré ne donnent qu'une impression partielle de certaines facettes de l'histoire du rail, qui seront peut-être abordées plus tard par des ouvrages plus détaillés. L'album célébrant les 75 ans de la SNCB n'est donc pas uniquement un aperçu global de l'histoire ferroviaire belge, mais également l'amorce d'études plus approfondies portant sur le monde passionnant du rail. Les textes sont accompagnés de plus de 300 illustrations, élément essentiel de la description. De nombreuses sources sont originaires de collections privées, encore inédites à ce jour.

Ce livre n'aurait jamais pu voir le jour sans la contribution et la persévérance de nombreuses personnes. Nous pensons notamment aux auteurs, aux personnes qui ont prêté leurs archives et illustrations, aux membres du Groupe de Travail d'Histoire ferroviaire et aux collaborateurs du service Archives et Photothèque de la SNCB.