Sept cents ans après on pourrait reprendre le poème de Guillaume de Saint-Pair dans les mêmes termes, car toujours "la joie est grand" à l'approche du Mont. Ce triangle qui se dessine sur le ciel immense acquiert une densité puissante à mesure que l'on avance et ce n'est que peu à peu qu'apparaissent les grands traits de l'édifice. Isolé, cohérent, une sorte de monde autonome dont on a quelque mal à discerner les richesses ; elles ne se révèlent qu'au péril de la mer. Un sommet qui attire le pèlerin, celui qui chemine à ras du sol, heureux de pouvoir fixer au loin, telle une apparition sur un fond de nuages, l'édifice qui va se préciser à la cadence de ses pas, lentement, sur une grève qui semble s'allonger indéfiniment. Et il est beau de s'approcher ainsi, comme en un désert, mais en gardant l'œil sur ce point élevé dont les contours se dessineront peu à peu dans un environnement illimité où l'on passe du sable à la mer. Beauté du pèlerinage où l'on avance, guidé de si loin, et foulant la tangue vers ce sommet minuscule. Nulle part sans doute on ne se sent pèlerin comme en avançant vers le Mont, nulle part on ne peut maintenir ainsi le regard vers le point qui [...]