« Le pays que nous avons découvert est étrange... » Ainsi commence l’ouvrage de Jacques Frayssenge et Anny Bloch-Raymond : Les Etres de la brume et de la nuit, qui dépasse la rigoureuse enquête ethnologique. Les auteurs qui, des années durant, ont mené leurs recherches sur les Grands Causses, auprès d’une soixantaine de conteurs, ont su retrouver la cohérence régissant les récits de peurs qui sont à la base de ce livre. Ils ont alors délimité un territoire de la peur dont ils montrent bien qu’elle se déploie dans l’imaginaire comme dans la vie quotidienne. Avec Les Etres de la brume et de la nuit, Jacques Frayssenge et Anny Bloch-Raymond dressent ainsi un état de la culture populaire du monde caussenard dans ses composantes fantasmatiques et religieuses.

Qu’il s’agisse de ces antres mystérieux : avens, chaos rocheux, bois solitaires, maisons hantées..., ou de ces créatures en marge : dracs, revenants, fées, hommes sauvages, diables, sorciers et jeteurs de sorts..., à chaque fois, c’est une autre dimension qui transparaît, un autre tissu vivant qui nous enveloppe. Mais pareil grouillement, né de ces terres inquiétantes et désolées, éveille d’étranges résonances. Au-delà des mythes et des légendes, par-delà l’étude des mentalités, ne dessine-t-il pas comme un écho de nos lointaines angoisses et de nos terreurs enfouies? Bousculant les générations, cette mémoire ultime donne à entendre la voix d’un temps aboli. Celui où, comme dit la fable, les bêtes parlaient, où le monde n’avait pas encore souffert le divorce irréparable entre les vivants et les morts, le fantastique et la réalité de chaque jour.