Dans l'immédiat après-guerre, la SNCF décida de développer la traction diesel en appliquant ce mode à des tâches mixtes telles que remontes de trains de marchandises entre triages, dessertes d'embranchements, opérations de débranchement à la butte et manoeuvres en tous genres. Cette démarche aboutit à la mise en service de cent locomotives 040-DA de construction américaine Baldwin et quarante-huit machines à bielles 030-DA. Les deux séries (futures A1A-A1A-62000 et C-61000), construites pour parer aux besoins les plus urgents au lendemain du second conflit mondial, se prêtaient toutefois difficilement à assurer des services de ligne réguliers en raison, pour la première, de son poids élevé, pour la seconde, de sa configuration d'essieux limitant la vitesse.

Forts de l'expérience apportée par ces machines rustiques et par les prototypes PLM d'avant-guerre, les responsables du service Matériel & Traction décidèrent très vite d'étendre le champ d'application de la traction diesel en réalisant une locomotive d'un nouveau type, capable à la fois de développer une puissance suffisante et d'offrir une charge par essieu modérée, de manière à pouvoir assurer les services les plus variés sur le plus grand nombre de lignes. L'étude de cette machine à vocation «universelle» fut réalisée en commun par la SNCF et les Ets. Brissonneau & Lotz, qui bénéficiaient d'une déjà longue expérience dans le domaine de la traction diesel à transmission électrique, acquise dès les années 30 sur divers réseaux secondaires et coloniaux.

Lorsqu'à la fin de l'année 1950 fut signée la commande en série des premières 040-DE (futures BB-63000 / 63500), sans passer par l'étape d'un prototype, leurs concepteurs se doutaient-ils du succès que connaîtraient ces machines ?

Pendant près d'un quart de siècle, 1290 exemplaires allaient sortir des chaînes de montage : depuis la 040-DE-1 SNCF en février 1953 jusqu'à la 643-051 yougoslave en 1977... De nombreuses variantes de motorisation furent essayées, à partir de deux modèles de base : le moteur Sulzer à six cylindres en ligne et le MGO à douze cylindres en V. La gamme de puissances offertes variait de 600 à 1200 ch en passant par 825 ch, moyenne la plus fréquemment retenue.

La SNCF fut, comme il se doit, le premier utilisateur de cette série, avec un effectif total de 853 unités, soit presque exactement les deux tiers de la quantité totale construite. Hormis certains modèles à l'époque de la vapeur, la 040-DE représente la plus importante série d'engins moteurs de la «traction moderne» (diesel et électrique) livrée au réseau national. D'autres réseaux français, secondaires ou industriels, choisirent cette machine comme «cheval de bataille». Puis, sa silhouette familière se répandit sur les rails d'Europe : Luxembourg, Espagne, Portugal, Yougoslavie, Belgique et Suisse, de même que sous des latitudes plus exotiques : Cuba, Chili, Mauritanie et Gabon...

Alors que les plus anciennes unités viennent d'atteindre leur quarante-cinquième année, les locomotives BB diesel-électriques Brissonneau & Lotz ont largement répondu aux attentes de leurs concepteurs : réaliser un engin simple, robuste et d'un entretien peu coûteux, susceptible d'effectuer les services les plus variés. Des qualités qui permettront à certaines de dépasser le demi-siècle d'activité et de poursuivre largement leur carrière durant le XXIème siècle !