Le Musée de la Vie Wallonne se devait de s'intéresser à la survivance que constituaient les cinq ou six vignobles qui subsistaient encore dans la région hutoise vers 1935-1940. C'étaient en effet les derniers vestiges d'une culture qui, il y a quelques siècles, était florissante dans toute la vallée mosane, depuis Namur jusqu'en aval de Liège, et qui, plus anciennement, se pratiqua même un peu partout chez nous.

Les vignobles de Liège même et des environs immédiats ont disparu à la fin du siècle dernier sans laisser d'autres traces qu'un ou deux vide-bouteilles et celliers plus ou moins délabrés, quelques objets — pressoirs, hottes et enseignes — qu'a recueillis notre Musée, plusieurs toponymes, une série de termes plus ou moins clairement définis, dispersés dans les anciens lexiques patois, et le souvenir, qui va s'effaçant, d'un petit vin de terroir â gos' di pire di fizik « au goût de pierre à fusil (ou briquet) ».

Il importait de sauver davantage à Huy. Dès 1924, notre service cinématographique, sous la direction de feu M. Remouchamps, avait filmé la vendange dans le beau vignoble de M. Léon Lebrun, sis au lieu dit as malades. Il restait — tâche beaucoup plus compliquée et plus longue —, ii enregistrer sur la plaque et par le film l'ensemble des opérations que comprend la culture d'un vignoble. C'est ce qui J'utfait, en 1942-43, dans la petite pièce de vigne que cultivait encore M. Édouard Nokin, au lieu dit à l’êrboune. MM. Édouard Remouchamps et Paul André se sont rendus à Huy autant de fois que ce fut nécessaire, le premier pour cinématographier, le second pour photographier, tous les soins donnés à la vigne au cours de l'année, la vendange comprise. La vinification, qui ne se pratiquait plus avec les anciennes cuves et les anciens pressoirs ni pour des quantités importantes, n'a pu être enregistrée.

Il fallait d'autre part décrire en détail tout le travail du vigneron et noter son vocabulaire technologique. L'enquête a été faite par M. Élisée Legros, qui a surtout interrogé M. Édouard Nokin, maraîcher et vigneron, lequel s'est prêté à ses questions avec une obligeance égale à celle qu'il a mise à aider le travail du cinéaste et du photographe.