De l’avis général des historiens de la culture, les XIIe et XIIIe siècles constituent un sommet dans le domaine de la foi communautaire comme dans la structure économique et sociale en Europe occidentale. Cette période, pourtant, n’est pas sans connaître de catastrophes: guerres, troubles, famines.

Le comté de Flandre qui, en majeure partie, appartenait à la France, était un pont entre l’Allemagne et l’Angleterre. De tout temps, sa situation géo-politique l’avait entraîné dans un grand nombre de complications politiques et militaires. En même temps, pour les mêmes raisons, dès le début du XIIe siècle, il avait atteint un développement exceptionnel, que le roi de France, son suzerain, le roi d’Angleterre, l’empereur allemand et le pape suivaient d’un œil attentif. Dans ses nombreuses villes libres, en pleine évolution, une population active, libérée du servage, luttait pour accroître son influence, développer sa liberté commerciale et assurer une justice plus équitable. Dans la mesure où certaines de ces villes, telles Bruges, Gand, Lille et Saint-Omer, avaient acquis, en fait, une puissance sans précédent, elles s’entendaient à étendre les droits et privilèges acquis et à les faire reconnaître par le comte autant que par les classes supérieures de la noblesse et du clergé. La conscience démocratique couvait, aspirant à une justice humaine mieux partagée et devait, en dépit des contrecoups et des répressions violentes, se faire jour dans les siècles suivants.

En 1128, dans le comté de Flandre, les villes imposèrent au comte, au cas où il se rendait coupable de parjure, de comparaître devant une cour de justice et, le cas échéant, d’être déchu de sa dignité et remplacé.

Les serfs aussi jouèrent leur rôle dans le développement de la Flandre. Lorsque le jeune Charles, riche de promesses, était arrivé au pouvoir, il avait trouvé, à la chancellerie, à la direction de ses domaines et au chapitre de Saint-Donatien, un groupe d’hommes, serfs d’origine, qui avaient même contribué à son élection.

Sous la direction du prévôt de Saint-Donatien - en même temps chancelier du comté - cette équipe durant plusieurs décennies, avait rendu bien des services. Sans doute, certains d’entre eux s’étaient enrichis, souvent aux dépens du peuple et de l’administration comtale, même lorsque régnait la famine. A Bruges comme dans l’arrière-pays, ils avaient noué des liens étroits avec la noblesse, l’Eglise et les villes. Les fils et les filles de ces familles non affranchies s’alliaient à des nobles, quoique, lors de ces mariages mixtes, le statut féodal [...]