Passée la première réaction de surprise un peu incrédule à l'idée que des détenus du système concentrationnaire nazi aient pu échanger du courrier avec l'extérieur, on imagine aisément l'intérêt de tels document pour l'histoire des camps de la déportation. Il s'agit pourtant d'un domaine jusqu'ici largement méconnu de l'histoire postale. Cet ouvrage propose de faire le point à partir de l'étude de plus d'un millier de documents (dont une centaine sont reproduits ici en illustration).

Le contenu de ces missives était d'une banalité terrible et trompeuse puisque contrôlé et censuré. Mais pour qui sait les déchiffrer, les marques, les adresses, les mentions, les griffes ou cachets et jusqu'à la variété des formules postales en usage constituent autant d'indices riches d'enseignements.

Quel crédit accorder à l'«extrait du règlement» imprimé sur la plupart des formules et prévoyant que les détenus puissent échanger du courrier deux fois par mois ? Qu'en était-il en réalité selon leur nationalité, selon les multiples catégories instaurées par les nazis et compte tenu des brimades, de l'arbitraire des Kapos et des SS ? A partir de quand l'envoi de colis fut-il possible et pourquoi ? Le régime était-il différent selon les types de camps ? Comment fonctionnait la censure ? Quels étaient les circuits d'acheminement des correspondances ? Voilà quelques-unes des questions qui sont examinées ici. Certains sujets font l'objet de développements élargis. Ainsi les interventions de la Croix-Rouge. Ou le courrier des détenus juifs - des lettres sont sorties de Birkenau ! - étendu aux camps d'internement en France et à la poste des ghettos de Pologne.

Cette étude est assortie d'un inventaire des différentes formules postales utilisées. Restituée dans la chronologie et l'organisation générale du système concentrationnaire, elle propose aussi une approche politique et historique pour expliquer l'existence de ces précaires "signes de vie" émis ou reçus par ceux que les nazis voulaient retrancher du genre humain.