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Saint Benoît et son héritage artistique
Relié / 456 pages / édition de 2009
langue(s) : français
éditeur : Cerf
ISBN : 220408462X
EAN : 9782204084628
dimensions : 330 (h) x 248 (l) x 40 (ép) mm
poids : 3485 grammes
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Il pourrait sembler hasardeux, du moins à première vue, de proposer un parcours de recherche dont l’idée fondatrice, le lien entre la figure de saint Benoît et l’héritage artistique postérieur, s’articule comme une ellipse dont les foyers placent en tension réciproque des aspects apparemment étrangers entre eux: d’une part la personnalité spirituelle de Benoît qui, de prime abord, ne paraît pas reliée au monde de l'art, d’autre part la production artistique - au sens le plus large du terme -issue du monachisme bénédictin.

Pourtant le choix d’une telle articulation, dans le cadre d’un unique volume à caractère interprétatif et interdisciplinaire, reflète la volonté de sonder le cœur de l’histoire de l’art et plus spécifiquement du processus herméneutique de l’art, autrement dit la compréhension que l’homme (celui du passé, mais aussi du présent) a de lui-même et de sa propre expérience de Dieu en lien avec l’esthétique.

Il convient par conséquent d’évoquer en premier lieu le fondateur de l’ordre de saint Benoît, qui proposa sa Règle depuis l’éminence du Mont-Cassin; c’est précisément par le biais de son texte qu’il nous est permis d’appréhender la profondeur d’une personnalité et d’un style de vie tendus vers la vision de Dieu (Règle prol. 21 ). La fin de ce cheminement - la contemplation de l’absolu, du moins telle que Benoît la présente d’ordinaire - n’a apparemment aucun rapport a priori avec la dimension esthétique, pas plus qu’un rapport avec l’art ne semble mûrir effectivement dans ce témoignage écrit de son âme.

L’erreur - ou le défi - consisterait justement à croire que l’expérience de Dieu décrite par l'abbé cassinien n’a rien à voir avec la beauté et que les expériences ascétique et esthétique doivent diverger. La première illumination se produit lorsqu’on s’aperçoit que l’amour de Dieu, dans la pensée de Benoît lui-même -comme, parallèlement, dans la contemplation de la beauté sensible -, est étroitement lié à la delectatio (Règle 7, 69), bien qu’il s’agisse ici de la delectatio des vertus. Cette jouissance, qui mène le moine à la présence et à la vision de Dieu, est une constante que thématiseront les générations de moines postérieures. Le haut Moyen Age, période fondatrice de l’esthétique bénédictine, assimile la jouissance spirituelle des vertus dont parle Benoît à un ordo animae, selon l’expression d’Alcuin. Cet «ordre de l’âme» explicite le rapport adéquat avec Dieu, qui implique de revenir vers Celui dont les hommes s’étaient éloignés (Règle prol., 2). Pour le moine désireux de vivre la proximité et la contemplation de Dieu dans l’intimité de son propre cœur, ce retour a lieu dans 1’«ordre de l’âme», en mettant justement de l’ordre parmi les vertus procurant au moine la delectatio, le plaisir.

Peu après Alcuin, Jean Scot Erigène, sous l’influence du Pseudo-Denys - qui représente une clef interprétative omniprésente dans l’art médiéval -, affirma que Dieu est à l’origine de l’ordre cosmique, et que c’est la raison pour laquelle celui-ci est harmonieux et donc, en vertu de son harmonie, beau: «Si nullus ordo fieret, nulla harmonia. At si nulla harmonia, nulla se-queretur pulchritudo1.» Ce moment constitua une charnière essentielle non seulement pour le monde de l’art mais aussi pour les Bénédictins. Dès lors, le Moyen Age monastique tout entier devait percevoir le lien existant entre ordo (expérience de Dieu), harmonie (union entre l’au-delà du sensible et l’expérience perceptible) et beauté (expérience esthétique), s’ouvrant ainsi à l’expérience du beau perceptible dans les différents arts. Rien de ce qui ressortit à l’art - de l’architecture à la peinture et à la sculpture en passant par les objets et les expressions du quotidien spirituel - n’est par conséquent exclu d’un monastère bénédictin, afin d’exprimer la beauté de la création et l’expérience du moine face à Dieu.

L’articulation orJo-harmonie-beauté nous ramène à l’ellipse dont nous sommes partis et délimite le champ d’action de ses deux foyers : d’une part, l’expérience spirituelle du moine (saint Benoît), perceptible dans ordo, autrement dit dans la delectatio, dans la jouissance de Dieu; d’autre part, l’expérience esthétique sensible (l’art). Depuis l’époque du père fondateur, ces deux expériences ne cessent de s’interroger et de s’expliquer mutuellement dans un processus herméneutique continu de discussion muette, devenant l’une et l’autre jouissance de Dieu. Le moine qui y participe s’efforce toujours de concevoir Dieu comme beauté (ordo, harmonie) et de se comprendre soi-même par rapport à Dieu.

C’est de ce dialogue que se nourrit le présent ouvrage, dont le cheminement ne suit pas un parcours unique mais diverses pistes d’investigation parfois divergentes. Fidèles au principe

1. «Si l’ordre n’était pas, il n’y aurait pas d’harmonie, et si l’harmonie n’était pas, il n’y aurait pas de beauté. »
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