Le 8 août 1986, je visite pour la première fois le Bois du Cazier, je ressens une vive émotion en parcourant ce site tristement célèbre. Des souvenirs d'enfance me reviennent en mémoire. A l'époque de la catastrophe, j'avais huit ans. J'étais bien jeune encore pour comprendre ce qui se passait, j'entendais les grands chuchoter, parler de morts, d'incendies dans la mine, de centaines de mineurs coincés au fond. Je revois les photos des journaux, les actualités cinématographiques, ce carreau de la mine ou une multitude de gens s'affairait.

1986, trente années se sont écoulées, ce lieu est dans un état d'abandon incroyable: des bâtiments sont écroulés, éventrés, les châssis rongés par la rouille, la végétation envahit les allées, la nature plonge petit à petit cette mine dans l'oubli. L'oubli, pour un site tel le Bois duw Cazier, c'est comme une deuxième mort pour tous ces mineurs victimes de la catastrophe.

Cette visite est le point de départ de mon reportage sur les charbonnages de la région de Charleroi. De tout ce passé minier, que reste-t-il? Des terrils, quelques charbonnages avec leurs châssis à molettes, des ruines branlantes envahies de végétation, ruines d'un passé récent, ressemblant à des vestiges d'un autre âge, devenues les témoins silencieux de jeux d'enfants. Certains bâtiments ont eu des reconversions plutôt inattendues, ils ont été transformés en bureaux, salles de club, ferme, petites entreprises, école; d'autres, complètement rasés sont restés des terrains vagues. Certains ont vu la construction de nouveaux bâtiments tels le magasin "Cora Châtelineau", "Match" à Marcinelle, l'hôpital Notre Dame et l'école de tennis à Charleroi. De tous ces sites photographiés, quelques uns sont passés depuis aux mains des entreprises de démolition (le 19 "Bas-Long-Pré" et le 18 "Fosse Parent", tous deux à Marchienne-au-Pont).

Pendant mes recherches, j'ai fait d'étonnantes découvertes de vestiges dans des endroits inattendus: un mur et une plaque en béton recouvrant un puits entre deux buildings; le pied en béton d'un châssis en dessous d'un pont d'autoroute; un bâtiment au milieu d'un champ, ancienne salle des machines devenue bergerie. Cherchant un autre charbonnage, j'ai tourné aux alentours d'une ferme, sans même imaginer un instant que celle-ci avait emprunté les bâtiments miniers. Nous vivons au milieu de ces sites sans nous rendre compte de leur présence, ils nous sont devenus familiers, ils font partie de notre décor journalier.

Il est pratiquement impossible de montrer tous les vestiges encore présents, tant la région est imprégnée de ce passé minier. Ce livre n'est pas un inventaire des charbonnages du Pays-Noir, mais un voyage au pays des mines que fut la région. J'espère partager avec vous l'émotion que j'ai ressentie au moment où je découvrais et visitais ces anciens sites miniers.