Si, depuis des siècles, le Hainaut a été un pays de prédilection pour l’épanouissement harmonieux de l’architecture, de la sculpture, de la peinture et de la musique, on ne peut délibérément omettre cet « art de terre » très proche de la vie quotidienne qu’est la céramique, et plus particulièrement celle que nous a légué le passé.

Les productions remarquables de nos pétrisseurs d’argile ont ajouté un fleuron à la réputation d’artisanat et d’art de la Wallonie. Certaines, étudiées par des spécialistes, ont déjà fait l’objet de travaux riches de substance et servis par une érudition de bon aloi. Nous nous permettrons, l’occasion s’offrant, de nous y référer.

Mais, jusqu’à présent, il manquait une vue d’ensemble s’adressant à tous, un livre qui ne se bornât guère à l’étude de l’origine, des développements de l’une ou l’autre manufacture en grand renom et de ses produits.

Aussi, à une époque où les objets d’art anciens de qualité atteignent des cotes de plus en plus élevées et où la céramique de nos pères a conquis dans le domaine de la « curiosité » une place importante — preuve de l’intérêt croissant que d’aucuns leur portent, et il faut s’en réjouir — se justifie un travail offrant aux curieux des belles choses d’autrefois, aux amateurs d’art dont nous sollicitons les suffrages, une contribution bien modeste à la connaissance de la céramique hennuyère considérée dans les limites géographiques actuelles. Ce petit ouvrage n’exclura point l’apport nullement négligeable, tant s’en faut, des manufactures secondaires encore mal connues de beaucoup.

De Tournai à Chimay, on posera quelques jalons, on relatera sommairement l’histoire mouvementée de ces usines dont rêva le prince Charles de Lorraine, gouverneur des Pays-Bas. On verra que souvent elles connurent des difficultés d’expansion, des concurrences acharnées, des épreuves, parfois aussi des échecs ; elles remportèrent également des distinctions très flatteuses.

Toutefois, en s’efforçant de montrer l’importance et la variété de cette industrie — à la fois un métier et un art — force sera de se limiter. Laissant volontairement en dehors de cet ouvrage les poteries et les grès, par ailleurs bien dignes d’éloges, les épaisses faïences et les délicates porcelaines seront uniquement traitées ici, autant que le permettront le cadre rigoureux imposé et l’existence de sources d’information aussi précises que sérieuses.

S’il est vrai que, se référant au poète Léon-Paul Fargue, « les âmes douées d’une sensibilité particulière se sentent bombardées par des atomes de présence et de vie dont chaque chose ancienne dispose par millions », la céramique d’antan — cet art noble — doit assurément être mise au nombre de ces reliques « vivantes », chargées de souvenirs, évocatrices du passé d’une région féconde en talents et fière de ses richesses artistiques.

Et être intéressé par elle, n’est-ce pas déjà vouloir en connaître toute la beauté ?