Liévin Bauwens a introduit la mule-jenny sur le continent. Les entreprises qu’il a créées et fait prospérer ont contribué à l’éclosion delà plus formidable des révolutions que l’humanité ait jamais connue. Il a, le premier en Belgique, concentré dans ses ateliers des centaines de travailleurs. C’est dans ses fabriques que se produisirent les premiers mouvements revendicatifs ouvriers, qui devaient donner naissance, quelques années plus tard, aux mutualités et au syndicalisme. Il a généralisé en Flandres l’usage de la navette volante, adopté le procédé de blanchiment des toiles inventé par Berthollet-Chaptal, fait d’utiles tentatives pour la mise au point de la filature du lin et de la bourre de soie. Les honneurs ne lui ont pas fait défaut : maire de Gand, conseiller général du département de l’Escaut, membre du conseil municipal de Tronchiennes, président, pendant de nombreuses années, du Conseil des Prudhommes de Gand, le premier qui ait été constitué en Belgique. A deux reprises, Napoléon a visité ses entreprises industrielles gantoises. Ses mérites ont été reconnus de son vivant et sanctionnés par d’écla-tantes récompenses : Croix de chevalier de la Légion d’honneur, médaille de reconnaissance, Grand Prix aux expositions, etc., Liévin Bauwens a recréé la prospérité industrielle de sa ville natale, qui lui a élevé, au cœur de la cité, une statue non dépourvue d’élégance. Les fêtes organisées à l’occasion de son érection ont rassemblé des milliers de personnes. Le cent cinquantième anniversaire de sa naissance a été commémoré par un cortège fastueux. Cependant, malgré le rôle immense qu’il a joué dans la création de l’industrie textile en Flandres et en France, malgré les charges officielles qu’il a assumées et les hautes distinctions honorifiques dont il a été l’objet, la personne de Liévin Bauwens n’a, pendant des décennies, tenté aucun historien. Il a fallu attendre jusqu’en 1954, soit 185 ans après sa mort, pour qu’une biographie assez complète lui fût consacrée. C’est la seule qui existait jusqu’à présent. Encore Mme Desprechins, dans l’ouvrage plein d’intérêt dont Liévin Bauwens fait l’objet, n’a-t-elle donné qu’un aperçu très rapide de la vie de l’illustre industriel gantois, et a-t-elle insisté avant tout sur ses rapports, d’ailleurs non négligeables, avec sa famille.