Il arrivera que des historiens soutiendront que la bataille pour Bastogne n’a pas été d’une importance décisive, qu’en réalité le sort des armées allemandes sur le front occidental, s’est décidé à Echtemach ou à Saint-Vith. Certains referont à leur manière le schéma des opérations, montreront ce qui n’a pas été fait et aurait dû l’être ou bien que ce qui avait été fait n’avait aucun sens.

C’est une des obligations de la critique historique que de repenser sans cesse les faits supposés connus et de proposer des interprétations inédites qui aideront à les préciser davantage.

On ne contestera pas, cependant, que de prime abord, les spécialistes américains, à commencer par Ralph Ingersoll, ont insisté sur le rôle essentiel que joua la défense de la petite ville ardennaise quand on entreprit de désarticuler l’offensive hitlérienne de décembre 1944. Par eux, les grands traits de l’épopée ont été dessinés : ils ont réellement fourni l’esquisse de ce que l’avenir en retiendra.

Restait à décrire l’ambiance où se déroulèrent tant d’événements majeurs. La relation d’un témoin civil, de surcroît professeur d’histoire et, actuellement, conservateur du Musée luxembourgeois d’Arlon, allait combler cette lacune. Monsieur Louis Lefèbvre, natif de Longchamps, aux portes de Bastogne, enfermé dans la ville pendant une bonne partie du siège, avait un devoir à remplir : celui de rapporter fidèlement, avec exactitude et sans passion, ce qu’il avait vu, entendu ou pu apprendre au cours de ces journées tragiques. Il ne s’y est pas dérobé. Enumérant les faits dans leur succession chronologique, il est parvenu à les éclairer les uns par les autres et à en établir la signification dans l’ensemble de la grande bataille.

Se gardant de se substituer aux stratèges des deux camps, peu soucieux de leur prêter d’autres intentions que celles de se livrer un incessant combat pour la possession des positions-clés, il a clairement montré combien il était indispensable de connaître tous les détails topographiques de la région pour s’en assurer la maîtrise.

Car ce n’est pas fortuitement que Bastogne s’est trouvé être le centre et le prétexte d’une lutte acharnée. La position de la ville, au carrefour de plusieurs routes, indiquait de ...