Aux limites de l'ancienne Provincia romana, au milieu des terres camarguaises, l'église abbatiale de Saint-Gilles déroule encore la théologie de pierre de sa façade. Et ce, malgré la ruine des hommes et du temps.

Saint-Gilles, joyau d'Occitanie, célébré pour l'originalité de sa statuaire, laquelle s'est détachée une des premières de la gangue des colonnes, triomphe du Sud méditerranéen, quoi qu'en aient dit les tenants de l'influence parisienne prépondérante (« l'expansion de l'art de Saint-Denis accompagnant celle de la puissance royale », selon M. Georges Duby...).

C'est à Saint-Gilles qu'on découvre encore les témoignages de cette « Proto-Renaissance » méditerranéenne qui a su s'approprier aussi bien les modèles de l'Antiquité que ceux de l'Orient, les transmuter et les faire servir l'orthodoxie chrétienne. Erwin Panofsky écrivait, avec raison certes, que « certains des masques et des têtes d'anges de la façade de Saint-Gilles pourraient facilement être pris pour des originaux gallo-romains ». Mais cela doit être élargi, comme le fait Maguelone, à une vision totale de l'ensemble saint-gillois où se réalise encore avec munificence la conjonction de l'Orient et de l'Occident, ce miracle qui va bientôt devoir emprunter des voies souterraines à cause des discordes humaines...