Vouloir faire revivre les méthodes de construction de l’Antiquité, la théorie des proportions, l’«harmonia», l’ordonnance et la «concinnitas» n’a pas été l’apanage de l’Italie. Et si la première romanisation de la Belgique remonte au passage des légions de César, la reconquête de l'architecture à partir du XVe siècle a, elle aussi, dépassé les frontières de l’Italie, couvrant une région qui s’étend de la Pologne et des pays baltes à la péninsule ibérique. Les Pays-Bas, principalement ceux du sud, ont joué dans ce contexte un rôle particulier. Par exemple, l’intérieur de style Renaissance de l’Hôtel de ville de Danziga en fait été exécuté par des «Fiamminghi» originaires des Pays-Bas méridionaux. Et ce que nous voyons en Espagne et au Portugal s’explique dans bien des cas par la notable parenté politique de l’Espagne et des Pays-Bas.
Dans toute l’Europe, on retrouve des traces du «rinascimento», comme le nomment les Italiens. Aux Pays-Bas, et donc également dans cette région que nous appelons aujourd’hui «Belgique», il en va de même. Mais en raison de l’attention prépondérante que l’on accorde généralement à la peinture, l’apport spécifique de l’architecture a trop souvent été négligé. Par ailleurs, cette matière se prête mal aux expositions d’ensemble. Les monuments ne peuvent pas être déplacés, et par le fait qu’ils sont si indissociablement solidaires de leurs diverses localisations géographiques, une bonne partie des liens chronologiques et typologiques qui les relient nous échappe. Pour couronner le tout, les architectes en tant qu’individualités sont bien moins connus que les peintres, ce qui complique encore l’étude des rapports internes. Assez logiquement, l’édifice est presque toujours exclusivement associé au lieu où il est construit et aux alentours immédiats, bien moins à son architecte. Seule une minorité s’intéresse à ce fait.
Par ailleurs, les nombreuses caractéristiques communes que la Renaissance apporte à l’architecture ne sont pas seulement liées aux ordres, aux proportions et à la «concinnitas», mais peut-être davantage encore à l’ornementation, si bien que l’on est tenté d’accorder une place privilégiée à cet aspect.
Le rôle des Pays-Bas dans la diffusion et l’évolution de l’ornementation et de l’architecture renaissantes est loin d’avoir été mineur. Cependant, l’impossibilité de déplacer les pièces pour les regrouper dans l’espace explique sans doute que l’on ait fortement sousestimé l’importance de l’apport des Fiamminghi. Je voudrais, grâce à mon livre, réparer quelque peu cette injustice. Mon intention est de montrer comment les influences venues d’Italie ont été travaillées et assimilées pour ensuite donner lieu à des créations originales, et, grâce à l’illustration, de regrouper dans un livre ces oeuvres dispersées géographiquement, de manière à mettre en évidence les liens qui les unissent.
En ce qui concerne les prémices du baroque, ce problème de conception de l’espace est encore plus compliqué à exposer. Si la distinction entre Renaissance, maniérisme et baroque est facile à opérer dans le domaine de l’ornementation, c’est une entreprise colossale que de vouloir rendre en un essai l’évolution de la conception de l’espace dans l’architecture civile de l’époque. Cela paraît tout aussi difficile que d’écrire sur l’architecture elle-même. Mais faut-il alors se contenter d’en parler uniquement sur le mode de l’énumération, de la description et de l’inventaire? Cette subtile évolution stylistique est d’autant plus mal connue qu’elle coïncide dans nos régions avec une période de violences et de guerre.
Quoique les artistes en aient beaucoup rêvé sur papier, l’architecture civile n’a donné lieu qu’à un petit nombre de réalisations. Les circonstances politiques n’étaient pas propices. Et pourtant, du point du vue de l'histoire de l’art, ces exercices théoriques sont d’un grand intérêt car, successivement consignés dans des recueils de modèles par Pieter Coecke van Aelst, Hans Vredeman de Vries et Rubens, ils ont stimulé la créativité des architectes dans la conception du paysage urbain.
Certains artistes ont également fait figure d’exemple. Rubens, du moins, a construit une maison remarquable dans laquelle la perception de l’espace joue un rôle central, une véritable construction expérimentale que les voyageurs de l’époque ont décrite en détail. Il existait dans cette maison une parfaite symbiose entre architecture [...]
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