L'intérêt essentiel de l'histoire d'une communauté religieuse est celle de sa vie intellectuelle, de sa spiritualité, de son rayonnement. Parallèlement à cette évolution se déroulent une suite d'événements qui forment l'histoire de sa gestion temporelle.

Quel est le lien entre les deux ? "Ferveur religieuse et prospérité économique vont communément de pair dans les abbayes médiévales, écrit E. de Moreau * : ce sont là les deux manifestations fondamentales de la grandeur d'un monastère". L'élan religieux se traduit par l'observance fidèle de la règle, l'application au travail, l'esprit d'économie, le soin du domaine et des finances. L'épargne, la modération, l'ordre sont en honneur. La bonne entente règne entre les frères, tous et chacun contribuant à la poursuite du même idéal. Mais lorsque l'enthousiasme des religieux fléchit, quand les égoïsmes particuliers se manifestent, la générosité des fidèles diminue, les négligences matérielles provoquent des gaspillages, des pertes, parfois des dettes pouvant entraîner l'aliénation de biens. Le rôle du prieur, comme celui du procureur,, sont ici prééminents.

A Rouge-Cloître, on observe deux grandes périodes de ferveur et de productivité : la première s'étend des origines jusqu'à 1475 environ.

La seconde va de 1600 à 1670. Sans doute, il ne faut pas accueillir inconditionnellement les sources archivistiques du prieuré dont la crédibilité est parfois douteuse. Car rien n'est parfait ici-bas. Il put y avoir de tout temps une brebis galeuse. Par contre, les années les plus pénibles connurent d'excellents religieux. Toujours est-il que les deux grandes périodes sont bien nettes. Entre elles, le développement de l'imprimerie, des édits contraignants, de lourdes taxes sur le patrimoine conventuel, la naissance de la Réforme et les troubles qui s'ensuivirent, et surtout des crises internes. Après 1670 apparaissent de nouvelles tensions au sein de la communauté, un relâchement sérieux de la discipline et une situation matérielle désastreuse - celle-ci partagée d'ailleurs par l'ensemble des établissements religieux. Enfin, à partir du XVIIIe siècle, les autorités civiles manifestent la volonté systématique de réduire l'influence des couvents par leur appauvrissement matériel.