La curiosité est sans doute la motivation la plus forte du journaliste. Quand il veut savoir comment les choses s'articulent, il rédige un article à leur propos. C'est comme cela que ce livre a commencé. J'ai appris à connaître la bourse comme journaliste financier. Au bout de quelques années, on finit par se demander quelle est l'origine du système boursier. A quand remontait le négoce des actions, où se trouvait le premier bâtiment boursier, qui étaient les raiders de l'époque, comment s'est développée l'organisation boursière actuelle ?

Une première recherche exploratoire ne fit qu'attiser ma curiosité, puisque j'appris que le terme de Bourse', mais aussi la notion même d'immeuble boursier trouvent leur origine en Flandre. Au XlVème et au XVème siècle la famille Van der Buerse exploitait à Bruges l'auberge 'Ter Buerse'. Sur la place qui entourait cette auberge vinrent s'installer les 'maisons de nation' italiennes, de sorte que la Borse devint le lieu de rencontre du négoce Financier aux Pays-Bas. Lorsque au XVIème siècle les marchands émigrèrent à Anvers, ils emportèrent avec eux le terme de 'beurse', qui de là se répandit en France, en Allemagne, en Espagne et en Italie, où on le retrouve sous forme bâtardée : bourse, Bôrse, boisa et borsa. Le concept de l'immeuble boursier comme lieu où l'on négocie des effets, et même l'aspect physique de l'édifice doté d'une colonnade et d'une cour intérieure, sont d'origine flamande. En Italie et en Espagne, on négociait des lettres de change bien avant l'apogée d'Anvers, mais l'activité se déroulait sur les ponts, les places ou en d'autres lieux fortuits.

C'est en 1531 que l'on construisit à Anvers le premier immeuble destiné spécialement au commerce des marchandises et au négoce financier. L'idée d'un immeuble boursier était tellement révolutionnaire, qu'on la copia sans beaucoup de variantes à Londres (1566) et à Amsterdam (1611). Une gravure bien connue de Wenzel Hollar représentant la Byrsa Londinensis renvoie explicitement à the Mother Antwerp. A ma grande surprise, cette partie de l'histoire boursière
était pour ainsi dire inconnue dans les milieux financiers belges.

Dans ma quête d'informations qui tireraient ces deux données isolées du domaine purement anecdotique, pour les placer dans un contexte historique plus large, je me retrouvai soudain au milieu d'un grand vide. Il n 'existait pas de livre susceptible de brosser un large panorama de l'histoire boursière. En 1930, le professeur B.S. Chlepner de l'ULB publia son livre Le marché financier belge depuis cent ans, mais cet ouvrage se limite à la période de 1830 à 1930, et traite, outre de l'histoire boursière, de l'histoire monétaire et de l'histoire bancaire. De même, dans l'ouvrage de référence du professeur Fernand Baudhuin de l'UCL /Histoire économique de la Belgique, qui couvre la période de 1914 à 1968), il est question de la bourse, mais parmi d'autres domaines économiques et financiers. Les études d'auteurs étrangers comme Charles Kindleberger et Kenneth Galbraith ont certes décrit l'histoire boursière dans un contexte historique plus large, mais la situation belge n'y est pas évoquée. Bref, il me semblait que si je voulais lire un aperçu chronologique homogène de l'histoire du monde boursier dans nos contrées, j'aurais à l'écrire moi-même. Très vite, j'abandonnai l'idée naïve de le faire seul; le projet ne m'aurait pas pris quatre ans, mais quarante.

Ce livre est l'oeuvre d'historiens, d'économistes et de journalistes spécialisés dans les questions financières. Tous sont versés dans une époque ou un domaine, mais cela ne signifie pas qu'ils n'eurent qu'à ramasser l'information. Il existe très peu de publications sur l'histoire boursière. La plupart des chapitres sont le fruit du dépouillement de sources inédites. Ce livre a l'ambition d'offrir un cadre de référence à l'usage des historiens souhaitant situer ou approfondir certains domaines de l'histoire boursière. Mais il s'adresse aussi à l'investisseur curieux qui veut connaître les origines du marché des actions, et les réactions de la bourse à certains développements dans le passé; enfin, nous le [...]