Saturés des audaces banalisées des affichistes, éblouis des splendeurs commerciales du technicolor, submergés des images fugitives de la télévision... — fugacité non résolue par le magnétoscope —, gavés de photographies par nos mensuels, nos hebdomadaires, nos quotidiens, à peine étonnés des possibilités d'un reflex et du super-8 sonorisé, il nous faudra pourtant songer en contemplant les planches de cette publication au prodigieux pouvoir de ces vieilles estampes. Magie de l'art, la contemplation de ces rares images, lointaines ou proches dans le temps, suffit généralement à animer dans la mémoire des hommes d'aujourd'hui l'étrange présence des hommes d'hier...

De ces gravures, papiers couverts de signes encrés, va soudain sourdre pour nous la souvenance de ceux qui les ont dessinées et (ou) gravées, imprimées, éditées, vendues, achetées, commandées, reçues, possédées, prêtées, données, négligées, aimées, recherchées, collectionnées, conservées, étudiées... Chacun y a laissé un peu de lui-même, pour chacun de nous !

Souvenirs d'hommes, ces estampes sont aussi des témoignages d'une activité très fondamentale de l'Homme : la création architecturale et urbanistique, organisation d'un cadre de vie et d'un "territoire"... pour la possession duquel les puissants de ce monde cultivèrent - souvent au détriment du patrimoine bâti — le grand art de la guerre ! Toutes ces gravures sont des jalons dans l'immense champ de l'Histoire monumentale de Tournai et de sa région. Certes, chacune de ces images — et là réside leur valeur première — est vue d'abord par les yeux d'un individu, puis traduite par sa main, guidée par la manière de voir et de faire voir qui est celle de son temps... ou en réaction contre elle. S'il convient donc souvent de formuler des réserves sur "l'exactitude" des représentations, gardons cependant à l'esprit la préciosité particulière de ces visualisations à nous offertes quand elles conservent des images — même déformées — de monuments à jamais disparus ou donnent leurs états antérieurs à des évolutions "naturelles" ou à des restaurations radicales, ou encore quand elles permettent de préciser des structures urbaines parfois définitivement bouleversées par le pouvoir des Rois... ou celui des machines à vapeur !