Le projet de composer un dictionnaire historique de la papauté et non pas seulement un dictionnaire des papes est né de l'observation de «petits faits», comme les aimait Stendhal. En voici quelques-uns qui pourront peut-être servir de clés à la consultation d'un ouvrage collectif qui a voulu être à la fois savant et accessible.

En 1978, la papauté fut soumise à trois expériences (régies par des dispositions très strictes) qui attirèrent l'attention de l'opinion publique: la mort de Paul VI (6 août) et ses funérailles (12 août); l'élection de Jean Paul Ier (26 août) et ses funérailles (28 septembre); l'élection de Jean Paul II, le 16 octobre. Trois papes se succédèrent ainsi en moins de deux mois et demi. La papauté, à la mort de Paul VI, subissait une crise de l'Église réputée consécutive au deuxième concile du Vatican (1962-1965). Aux yeux des uns, le concile avait été conduit à son terme avec trop de hâte. Pour d'autres, jamais la papauté n'aurait dû convoquer un concile. Le débat ne concernait pas seulement la hiérarchie catholique et les fidèles : il innervait l'ensemble des sociétés sensibles à une institution bimillénaire, étonnamment manifeste, quelque recul qu'elle ait connu - notamment en Europe - depuis le milieu du XIXe siècle, et qui avait semblé pouvoir délivrer au monde un message d'avenir avec Yaggiornamento proposé par Jean XXIII (1958-1963). Or - premier petit fait - à aucun moment l'idée que la papauté était ébranlée par ces élections successives n'effleura les commentateurs. Le 16 octobre 1978, la place Saint-Pierre de Rome était recouverte par une foule aux aguets de la fumée - blanche en cas d'élection, noire dans le cas inverse - prodiguée par l'orifice disgracieux situé sur le toit de la chapelle Sixtine. Les télévisions du monde entier étaient braquées sur la Loggia délie Benedizioni où devaient être communiqués -en latin - le patronyme du successeur de Jean Paul Ier et le nom de pape qu'il avait choisi. La façade et le dôme de la basilique Saint-Pierre de Rome étaient inondés par la lumière artificielle des projecteurs. Il faisait nuit et l'on eût dit que le monument le plus symbolique de l'histoire de la papauté venait d'être repéré au fond d'un océan par des plongeurs éblouis et haletants. L'attente fiévreuse relevait d'un suspense sur le nouveau pape qu'aucune monarchie, jadis et aujourd'hui, n'a jamais produit et que n'alimente, en République, que celle du président français parce qu'elle a lieu au suffrage universel. Or le pape est un monarque élu par un collège restreint et son pouvoir est viager. Cette adhésion au système électif d'un [...]