Téléphoner, prendre une douche, adresser un pneumatique à une amie, traverser un carrefour au feu rouge, rentrer chez soi par le métro, dix, vingt, cent fois par jour, vivre à Paris c'est utiliser le sous-sol de la ville sans même y songer.

Ce Paris souterrain, cet envers de la Ville Lumière, est partout : sous les quartiers cossus, les places pittoresques, les rues sordides. Pas un pouce de l'admirable paysage de pierre qui compose la capitale n'y échappe.
La ville, elle, ne s'en soucie pas. Lancée dans la frénésie des grandes cités modernes, elle poursuit sa course trépidante sur un sol miné, sur un univers vide qui est à la fois le royaume de l'ombre, le miroir de son passé et le domaine de son confort.

Pour un dixième de sa surface, c'est-à-dire 835 hectares, Paris est construit sur le vide d'anciennes carrières. 2 000 kilomètres d'égouts courent sous ses maisons, son métro roule sur 169 kilomètres de voies souterraines, 300 kilomètres de galeries de carrières serpentent sous son sol. On trouve encore sous le macadam parisien 2 000 000 de kilomètres de fils téléphoniques et télégraphiques, 3 200 kilomètres de conduites d'eau, 700 de canalisations électriques, 2 300 de gaz. 900 de conduites d'air comprimé, 90 de chauffage urbain. 400 de tubes pneumatiques. Il y a encore 2 kilomètres de passages routiers et 2 kilomètres de canaux.

Cette immense et complexe machinerie invisible bat au rythme de la surface. Et la surface, dans une certaine mesure, lui doit le rythme qu'elle a choisi. Étrange dialogue!

Tous les "trous du gruyère parisien" sont artificiels. Pas un qui n'ait été imaginé puis creusé par les hommes. Depuis les temps les plus anciens, ils tirent profit des richesses du sous-sol en creusant imprudemment sans méthode, aussi inconscients qu'un pommier l'est de ses pommes.