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Rhin-Meuse : Art et Civilisation 800-1400
par Collectif
Broché / 432 pages / édition de 1972
langue(s) : français
dimensions : 296 (h) x 222 (l) x 26 (ép) mm
poids : 2035 grammes
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En 1148, l’abbé Wibald de Stavelot écrivait à l’orfèvre «G» [V 10]: «Les hommes de ton art ont souvent l’habitude de ne point tenir leurs promesses par la raison qu’ils acceptent plus de travaux qu’ils n’en peuvent faire. La cupidité est la racine de tout mal. Mais un esprit élevé comme le tien, servi d'ailleurs par des mains habiles et illustres, échappe à tout soupçon de fausseté. Ton art commande la confiance; ton œuvre est inspirée par la vérité. L’effet répond à tes promesses et tes engagements s’accomplissent au temps fixé. Si nous avons pensé à te rappeler tes promesses et les obligations contractées envers nous, c’est assurément en écartant la pensée que le dol et la fraude puissent avoir élu domicile auprès d’un esprit aussi distingué.

A quelle fin donc cette lettre? Simplement pour que tu t’appliques avec un soin exclusif aux travaux que nous t’avons commandés, écartant jusqu’à leur achèvement toute besogne qui pourrait y mettre obstacle. Sache donc que nous sommes prompt dans nos désirs, et ce que nous voulons, nous le voulons sans retard. Sénèque, dans son «Traité des bienfaits», dit: «Celui-là donne deux fois qui donne vite.» Après ceci, nous nous proposons de t’écrire plus longuement du soin et de la conduite de ta maison, du régime de ta famille ainsi que des observations relatives à la direction de ta femme. Adieu.»

Et r««aurifaber G» répondit: «J’ai reçu avec autant de joie que d’obéissance les avertissements que t’inspirent ta grande bienveillance et ta grande sagesse, car ils méritent mon attention à la fois par l’insistance nécessaire et par le prestige de celui qui me les a envoyés. Je les ai donc gravés dans ma mémoire et j’ai enregistré que mon art se distingue par la foi, que mon œuvre est marquée par la vérité et que mes promesses sont couronnées de succès. Toutefois, celui qui promet n’est pas toujours à même de tenir sa promesse, surtout quand celui auquel la promesse a été faite en rend l’accomplissement impossible ou qu’il le retarde. C’est pourquoi, si, comme tu le dis, tu conçois tes désirs rapidement et si tu veux immédiatement ce que tu veux, presse-toi, de ton côté, afin que je puisse me mettre rapidement à tes travaux. Car je me presse et je me presserai toujours si la nécessité ne met aucun obstacle sur mon chemin. Ma bourse est en effet vide et aucun de ceux que j'ai servis ne me paie. Quoique tu m’aies promis des luminaires pour ma femme, c’est presque l’obscurité qui m’entoure parce que, si j’attends un bienfait, le bienfait lui-même ne s’accomplit pas. C’est pourquoi, puisque la détresse humaine se réjouit de l’accomplissement après l’épuisement, aide-moi dans ma détresse, emploie le remède, donne rapidement afin de donner doublement, et tu me trouveras fidèle, constant et finalement aussi dévoué à ton travail! Adieu! Considère combien il reste encore de temps du début du mois de mai à la fête de sainte Marguerite et de là jusqu'à la fête de saint Lambert. L'initié comprend à demi-mot.»

La correspondance montre comment un abbé et un orfèvre, un mécène et un artiste du 12e siècle, se parlaient et comment ils traitaient leurs affaires. Et voilà qui nous introduit au cœur du Moyen Age encore vivant et particulièrement actuel. Ce n’est pas intérêt pour les vieilles choses, mais au contraire actualité du passé, présence des idées et des monuments venus jusqu’à nous qui déterminent la valeur que ceux-ci prennent à notre époque.

L’annonce du présent catalogue a confirmé, plusieurs mois avant le début de l’exposition Rhin-Meuse, l’intérêt du public pour l’art et la civilisation d’une époque historique révolue. En effet, pendant la rédaction de l’édition allemande, plus de dix mille souscriptions ont été enregistrées: la deuxième édition était donc commandée avant que ne commence l’impression de la première. C’est en grande partie sous la résonance de cet écho extraordinaire que le Schnüt-gen-Museum, et, avec lui, ses amis belges et allemands, ont réalisé ce que deux décennies avaient envisagé de faire. De fait, dès 1955, on avait projeté d’organiser, pour la première fois dans l’histoire des deux pays, une exposition importante sur le plan artistique et scientifique. Cette exposition, conçue, préparée et réalisée en commun, devait refléter la communauté de civilisation et les relations réciproques des pays du Rhin et de la Meuse. Hermann Schnitzler et Jean Lejeune, les Présidents d’honneur des Comités allemand et belge de cette entreprise, avaient arrêté dès 1951 des décisions en ce sens. L'Exposition d’«Art mosan» qui s’est tenue alors à Liège, Paris et Rotterdam a eu une influence décisive. Ce qui, depuis lors, a été réclamé et toujours remis, se réalise en 1972, avec un certain retard, mais d’une manière qui n’en est pas moins imposante.

Quel est le thème abordé ici à travers les disciplines et les perspectives les plus diverses? C’est l’art et la civilisation entre le Rhin et la Meuse dans leurs rapports réciproques, dans l’enchevêtrement de leurs styles, dans leurs aspects communs, leurs réciprocités, leurs identités, leurs contrastes, leurs contrepoints. Ce thème général a été traité sur une vaste période - six siècles - qui va de l’époque carolingienne au style international vers 1400. Bien sûr, ce terme chronologique ne constitue ni une césure ni un point final. En effet, à la période du gothique tardif qui lui succède, les rapports et l’enchevêtrement des styles ne sont pas moins intensifs entre Rhin et Meuse. Cependant, la date de 1400 a tout de même un sens. Avec l’époque du Maître de Flémalle et des van Eyck commence une période nouvelle qui ne se limite pas au domaine des arts. Faut-il dire qu'on n’a pas opéré un brassage de tout ce que l’on pouvait trouver comme témoins de ces six siècles? Ceci eût signifié que l’on voulait refaire, en les additionnant, plusieurs expositions qui ont déjà eu lieu, par exemple celle de 1951 sur l’«Art mosan» déjà citée et celle intitulée: «Tausend Jahre deutscher Kunst am Rhein». A cette dernière, qui a eu lieu à Cologne en 1925, Fritz Witte, le premier directeur du Schnütgen-Museum, a consacré un luxueux ouvrage en cinq volumes.

L'intérêt du public nous importe tout autant que les intérêts de la science. En effet, le phénomène de l’interpénétration des styles à l’intérieur de la «société rhéno-mosane», phénomène abordé et traité dans de nombreux domaines spécialisés, est décrit ici pour la première fois d’une manière étendue. Le degré d’intensité des relations entre Rhin et Meuse détermine l’importance relative, l’ampleur et le choix des époques, du matériel et des groupes de style. C’est cette conception qui explique que, par exemple, l'importante peinture de chevalet colonaise du 14e siècle dont l’équivalent manque en pays mosan soit représentée partiellement, mais que, par contre, une place d’autant plus grande ait été accordée à la sculpture sur bois et sur marbre de la même époque. Le choix des objets exposés s’est fait entièrement dans cette optique, sous le signe de la confrontation Rhin et Meuse. La détermination de l’ampleur, toutefois, a été faite en considérant ce qui était réalisable en pratique. Ce critère exigeait une limitation à l’intérieur de la période fixée: il aurait été vain de dresser un inventaire complet des œuvres si celles-ci ne pouvaient être prêtées.

Bien malgré nous, certaines œuvres précieuses reposant dans les réserves, trésors, bibliothèques et musées, de même que plusieurs témoignages de la sculpture monumentale nous sont restés inaccessibles. D’autre part, nous n’avons pas cherché à inclure le vitrail, lié à l’architecture. Le prêt d’un vitrail de Châlons-sur-Marne, de Saint-Cunibert de Cologne, de la cathédrale de Cologne, de Môn-chengladbach ou d’Altenberg, aurait entraîné pour les Expositions de Cologne et de Bruxelles au moins douze déplacements d'un matériel fragile. Ceci nous a paru constituer un trop grand risque. Il nous a été tout aussi pénible de devoir renoncer, pour des raisons budgétaires, à des prêts en provenance d’Amérique. L’exposition The Year 1200, organisée l’année dernière au Metropolitan Muséum de New York, et qui a présenté à l’historien de l’art un ensemble important d’œuvres, nous fait regretter plus encore cet état de choses.

La conception de cette exposition et de ce catalogue est le résultat de la collaboration de nombreuses personnalités. Des spécialistes ont choisi le matériel et ont rédigé les articles et les notices. A ceux qui étaient chargés de la coordination incombait la tâche d’assurer le respect de justes propositions entre l’espace géographique, l’époque et l’œuvre. Leur problème fut de réduire d’une manière [...]
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