Au moment où le sort d'une crise vient ébranler, un peu plus chaque nouvelle saison, les grands élans du tourisme international, au point que d'aucuns ne croient plus profondément qu'au «tourisme de proximité» mieux à la mesure de nos moyens actuels, ou bien prônent «le retour aux sources» vers lequel la démesure des jours présents nous ramène inman-quablement, il pourrait encore paraître peu opportun de consacrer autant de soins à révéler au grand public une aussi courte vallée de chez nous que la vallée du Samson, même si, fascinante et sauvage, elle fasse périodiquement l'objet de rappels colorés dans quelque bel album de voyage...

C'est que peut-être nulle part ailleurs, en si peu de distance — une quinzaine de km. — la géologie n'a mieux servi l'homme depuis la nuit des temps : voici les calcaires gris et bleus, les grès rouillés de cette petite portion du Condroz que nos aïeux, en leurs demeures, ont si bien alliés à la brique, après avoir longtemps habité les cavernes naturelles de ces pierres, presque dans l'intimité de l'ours et du lion, à l'époque du Néanderthal, puis du Cro-Magnon.

C'est qu'aussi depuis Sorée, à la source de notre rivière, jusqu'à Thon-Samson, à l'embouchure mosane, et de plus en plus vers cette dernière, une foule de travailleurs ont vécu au cours des siècles de la belle histoire des pierres du Samson : d'anciens maîtres de carrières ou de simples carriers, des polisseurs de marbres comme des anciens forgerons, tous deux se réclamant de la force motrice hydraulique des rivières en forte pente, comme jadis à Yvoir, le long du Bocq, ou à Marche-les-Dames, à la Gelbressée... ; et plus haut encore, à Mozet comme à Sorée, sur le plateau dominant, les tder-leus», d'une terre plastique parmi les plus réputées de Wallonie, celle du bassin d'Andenne. En témoignent encore à chaque méandre les restes d'antiques moulins ou forges amoureusement conservés pour des besoins moins bruyants, et çà et là, au delà des roches éventrées d'anciennes carrières, quelque étang ou dépression dus aux affaissements d'encore récentes galeries de mines d'argile plastique.

Ce petit monde d'actifs ancêtres n'eut pas déplu à l'écrivain-carrier autodidacte que fut Jean TOUSSEUL qui vécut et mourut non loin d'ici ( f à Seilles, 1944) et dont les romans sont peuplés de paysans et de petits travailleurs de chez nous. Pas plus que cet enchaînement de sites agrestes, ces frais vallonnements et plus bas ces escarpements calcaires, avec demeures condrusiennes typiques, fermes et châteaux, grottes et cavernes mystérieuses, eaux bruissantes n'ont frappé d'autres grands de la littérature, connus ou moins connus, en séjour ou de passage en nos villages, comme le bon fabuliste Jean de La FONTAINE, Victor HUGO... notre concitoyen Ferdinand LOISE. Ou bien des personnages aussi différents que le ténor belge Fernand ANSSEAU et le gouverneur Alexandre GALOPIN, de la Société Générale, grand résistant (mort tragiquement à Bruxelles, à quelques jours d'intervalle de Jean TOUSSEUL) qui élirent aussi résidence dans la vallée du Samson.