La terre endormie dégage une odeur lourde d’humidité, la nuit écrase le relief de ce beau pays brabançon. L’herbe est gorgée d’eau, il bruine. Les arbres suintent de toutes parts; les branches ploient lamentablement comme des vieillards transis, fatigués de résister aux intempéries, las de combattre au point que les bras tombent, sans ressort.
L’homme, immobile, laisse son regard suivre la ligne heurtée de la forêt qui se découpe à l’horizon en noir d’encre sur le ciel tourmenté. Quelques points lumineux, faibles, irréels, des lucioles, trouent l’obscurité de la nuit.
Il avance.
Comme s’il voulait toucher du doigt ces taches claires qui troublent l’uniformité du décor nocturne. Elles sont le centre de ses pensées; il les sent proches, mais instables, et veut être assuré de leur réalité. Une ombre le suit; étranger, ami ou ennemi, conseil ou serviteur, réconfort ou danger, il ne sait plus ce que signifie cette présence.
Un bruit le gêne dans sa contemplation, le trouble dans sa méditation, effaçant le rêve, chassant la paix, ranimant la guerre.
LA GUERRE !
NAPOLÉON.
Il est l’empereur, l’ombre est Bertrand. Les lucioles sont quelques maigres feux de bivouacs. La terre brabançonne est de la boue. Il pleut, il fait froid et noir; le bruit des bottes, succion énervante, ramène la terrible réalité : il est une heure du matin, ce 18 juin 1815.
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