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Andy Warhol
Broché / 118 pages / édition de 1989
langue(s) : français
éditeur : Galerie Isy Brachot
dimensions : 300 (h) x 240 (l) x 15 (ép) mm
poids : 824 grammes
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Même si tout le monde s'accorde pour reconnaître que l'œuvre d'Andy Warhol se présente comme un paradoxe, celle-ci se prête particulièrement à la formulation d'assertions globales. Dans ce sens, elle impose au spectateur (ou à la personne qui la considère : le rôle de l'œil est secondaire dans l'appréciation de cette œuvre - voici une assertion globale) un paradoxe au second degré.

Au sens traditionnel, artisanal, l'œuvre d'Andy Warhol n'a pas évolué dans le temps. Chronologiquement, son œuvre correspond à la période allant de 1962 à sa mort. C'est Warhol en personne qui a choisi la première date en affirmant sciemment qu'il était un artiste plastique: ainsi a-t-il exclu du domaine de l'art les dessins (de chérubins, de chaussures, de chats, etc.) qu'il avait réalisés comme «illustrateur». L'adoption de 1962 comme point de départ relève d'un choix personnel de l'artiste, mais l'acceptation de son entreprise par le monde de l'art confirme ce choix.

Il n'est pas impensable que Warhol aurait repris son ancien statut de dessinateur de pub si sa carrière «d'artiste» n'avait pas été couronnée de succès. Andy Warhol (l'artiste) commence sa création artistique lorsqu'il réalise en 1962 des toiles représentant des billets d'un dollar, des bouteilles de Coca-Cola, des potages Campbell's. Ce n'est pas lui qui a eu l'idée de représenter ces objets : il a acheté cette idée. Ainsi il se situe d'emblée, consciemment ou non (nous voici au paradoxe Warhol), dans le prolongement de Marcel Duchamp (et nous voilà arrivés aux assertions globales concernant Warhol).

Car il va de soi que l'utilisation d'un sujet acheté ne diffère pas essentiellement de l'approche de Duchamp du ready-made: un quelconque objet trouvé élevé au rang d'art. Le raisonnement de Marcel Duchamp, selon lequel un objet quelconque peut être transformé en art grâce à l'intention de l'artiste (et dans un sens large: la substitution du mental au rétinien) est soutenu par le contraste entre l'art traditionnel et l'art moderne: l'histoire de l'art traditionnel s'arrête au moment où Duchamp marque une rupture avec celui-ci. Sans le concept entier de ce que l'art fut jusqu'à Duchamp, on ne peut pas s'imaginer que Duchamp ait rompu avec ce concept (tout comme un païen ignorant du péché ne peut pas commettre de péché, du moins selon de son propre code). (C'est un paradoxe logique, ou une paraphrase de la thèse de Gôdel; mais la formulation globale consiste à dire qu'il n'y a pas d'autre code pour l'histoire de l'art que cette histoire même.)

Si Duchamp devait nécessairement s'opposer à toute l'histoire de l'art afin de présenter son point de vue personnel, Andy Warhol pouvait s'opposer à une partie de cette histoire: le genre des natures mortes
bourgeoises du dix-septième siècle (une table pourvue d'une coupe de vin, un citron pelé, une huître ouverte...) justifie, dans le sens que Duchamp confère à ce mot, le ready-made de Warhol : la nourriture toute prête (potage en conserve), destinée non à un riche bourgeois mais à la grande masse (Amérique), représentée d'après une reproduction photographique, reproduite en outre assez rapidement au second degré lorsque Warhol se met à utiliser la sérigraphie. De plus, contrairement à la reproduction artisanale minutieuse de la nature morte au dix- septième siècle par l'artiste, Warhol a l'audace de ne pas même procéder en personne à la réalisation de ses sérigraphies ni (d'après le mythe qui se répand rapidement) à la signature de ces œuvres.

La question de départ, notamment celle de savoir si Warhol se plaçait consciemment ou non dans le prolongement de Duchamp, fait à présent partie du problème global, à savoir: l'histoire de l'art est-elle ou non en mesure d'intégrer un paradox tel que celui de Duchamp ? Ainsi, nous ne faisons que répéter la question que Daniel Buren a posée en début de carrière concernant Duchamp: l'œuvre de celui-ci doit-elle être analysée en tant que rupture radicale, ou faut-il la considérer comme une variante stylistique ? La réponse tragi-comique à cette question semble avoir été fournie d'une part par les divers exemplaires des ready-mades de Duchamp portant la signature de celui-ci, alors qu'ils sont de la main de Schwarz, d'autre part par les produits décoratifs que Buren parvenu en fin de carrière produit aujourd'hui. Mais revenons à Warhol. La façon dont il a détourné la production artistique pour limiter celle-ci à l'introduction d'une image dans les médias (sous la dénomination art) diffère très peu de la méthode de Duchamp. Là où Duchamp revendiquait la qualité artistique de son urinoir sur base de la signature de l'artiste (l'unicité reconnue par l'histoire de l'art), Warhol invoquait une définition de l'art basée non pas sur l'histoire de l'art, mais sur le commerce de l'art : ce qui se vend sous l'étiquette d'art, appartient à l'art. Il s'est avéré que l'histoire de l'art n'était pas globalement de taille à infirmer ce paradoxe, tout comme elle n'avait pu infirmer celui de Duchamp : si bien que (dans une progression inflationniste qui équivaut en fait à une régression mentale à l'égard du point de départ de Duchamp), aujourd'hui (l'époque post-Warhol), les prestations visuelles comme celles d'un Keith Haring sont considérées comme «appartenant à l'art», puisque commercialisées dans le circuit financier défini par le marché de l'art comme circuit de l'art. Warhol, le premier à invoquer l'équivalence entre le marketing et l'art, se distancia ainsi habilement de la norme, le mythe de l'histoire de l'art (la formulation [...]
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